Les Interviews vidéo

Interview réalisée au Salon National des Arts Plastiques du Mans 2018

Interview réalisée au Salon d’Art Sévria 2018,
La Haye Fouassière (44)

Interview réalisée en 2017
par Frédérick LAURENT, Agent du patrimoine

> Frédérick LAURENT : Ta biographie nous apprend que ton goût pour la peinture a pris forme suite à des études de graphisme. Peux-tu nous en dire plus sur les étapes de ce cheminement ?

•  Sophie BARRAUD : J’ai toujours aimé le dessin depuis mon enfance, cependant je n’ai pas eu l’occasion de pratiquer cette discipline avant ma formation en graphisme. Après un bac scientifique et un DEUG spécialisé en Psychologie, je me suis orientée vers un parcours plutôt artistique, en entrant à l’Ecole Européenne de Graphisme Publicitaire à Angers (49). Ainsi, je me rapprochais d’un objectif souhaité, beaucoup plus pictural. Les enseignants exerçaient aussi leur métier, partageant leurs propres expériences professionnelles, ce qui permettait de sortir de la vie scolaire classique. Ces 3 années passées au sein de cette école ont été riches personnellement et pour ma future voie professionnelle.

> Quand je regarde parmi tes premières œuvres, j’ai le sentiment d’un préambule qui nous parle d’une terre à l’abandon, d’un lieu qui nous retient parmi ses vestiges pour mieux nous inviter à quitter ce monde vers d’autres sphères… Partages-tu ce sentiment ?

• Effectivement, ce type de sentiment m’a souvent été relaté sur cette série de toiles “terrestre” avec des tons assez chauds, ce n’était pas mon objectif. J’aime amener le public à interpréter par ses propres moyens ce qu’il veut y voir, via son parcours individuel, en lui donnant un point d’accès afin de s’ouvrir vers un imaginaire propre à lui-même. Alors oui, pourquoi ne pas y voir les prémices picturaux d’un nouveau monde imaginaire ?

> Des fragments de mondes à la dérive dans un espace glacial, univers froid et hypnotique qui semble abriter des messages secrets, des codes à décrypter… Souhaites-tu nous en dire un peu plus sur l’armature qui sous-tend ces paysages ?

• Les couleurs utilisées peuvent sembler glaciales puisque j’ai inséré dans mon travail un camaïeu de bleu. C’est une création d’un monde imaginaire, parfois sur une autre planète, dans l’espace, dans un autre univers, ou encore des météorites dispersés, flottant dans l’infini, mais aussi des plates-formes représentant ce qui pourrait exister sans avoir subi l’intervention humaine.

> Les contours de ce qui a été persistent dans ton œuvre. Au-delà de ce qui représente peut-être la quête d’une unité perdue, les êtres figurant sur Osmose et Symbiose ont transcendé paroles et mouvements, sont-ils parvenus à reconquérir cette unité ?

• En peignant des paysages imaginaires et déshumanisés, j’avais par la suite l’envie d’insérer des figures presque humaines comme incrustées dans des roches. Elles représentent un passé enfoui dans la pierre, mais aussi une naissance qui peut surgir de cet emprisonnement terrestre au moment opportun.  Osmose a été créée en m’inspirant d’un clip musical où l’on peut voir deux personnes danser, ici représentées par 2 statues figées au sol. En insérant de l’eau sur cette toile sous forme d’éclaboussures et cascades, j’insuffle une certaine forme de vie et de mouvement en contradiction avec l’effet statique de ces personnages.

> Sur Le Choix et Visite inattendue apparaît cet enfant tenant trois ballons rouges comme un fragile contrepoint. Quelle charge symbolique détient-il ?

• L’essentiel était d’humaniser ce monde irréel et fantasque. On peut voir des messages cachés dans certaines de mes œuvres, ce n’est pas anodin. Je laisse le public penser et divaguer à sa guise.  Le Choix porte bien son nom : le personnage doit s’orienter entre deux chemins, comme dans la vie. J’ai peint ensuite  Visite inattendue, car ce même personnage (caractérisé par les trois ballons rouges) a choisi son chemin, et arrive inopinément dans un nouvel univers. C’est raconter une histoire imaginaire sous forme visuelle… Peut-être reviendra-t-il sur une nouvelle toile!

> Des « toiles peintes à l’acrylique et travaillées au couteau », mais encore ? Qu’est-ce qui a déterminé le choix de cette technique plutôt qu’une autre ?

• Lors de mes études en graphisme publicitaire, j’ai eu l’occasion de travailler avec différentes techniques picturales comme le fusain, le pastel gras et sec, l’aquarelle (essentiellement pour de l’illustration), l’acrylique, et les crayons de couleur pour du dessin académique. J’ai donc pu approcher l’acrylique de cette manière, ce qui m’offre une multitude d’opportunités : un séchage rapide et contrôlé, aucune odeur et une certaine élasticité une fois sèche. J’ai commencé à peindre au pinceau, rapidement j’ai voulu utiliser le couteau afin d’apporter de la matière et de l’épaisseur à mes toiles. Actuellement, je préfère gérer la peinture par dilution avec plusieurs couches fines et superposées.

> Ton travail a été récompensé par de nombreuses distinctions. A côté du plaisir que cela bien évidemment procure, cela implique aussi de positionner la barre toujours plus haut… Comment appréhendes-tu tout cela ?

• Je perçois les distinctions comme une reconnaissance de mon art, elles me permettent de me conforter dans mon choix créatif. Je recherche une forme de perfection selon mes propres valeurs, c’est une quête perpétuelle d’un absolu parfait.

> Quels sont les souvenirs liés aux expositions qui t’ont marquée ? Offrir aux regards et aux critiques cette part profonde de soi-même qui s’exprime à travers la création artistique, est-ce une expérience parfois douloureuse et décevante ?

• Lors des premières expositions publiques, on ressent forcément une certaine appréhension sur la réaction des visiteurs. A mes débuts, je participais à des concours de peinture “en plein air” ce qui te plonge littéralement dans le bain des commentaires publics, pendant la réalisation de la toile. Ce sont des avis personnels pouvant déstabiliser, car certains te félicitent et d’autres cherchent à te conseiller et t’orienter vers leurs préférences personnelles. Cette forme d’école instructive « sur le terrain », m’a permis d’accepter les différentes critiques. C’est aussi une bonne expérience de rencontre entre artistes, car certaines manifestations deviennent un rendez-vous annuel où les participants se retrouvent dans un esprit très convivial.